Le pouvoir des marques dans la transformation sociétale : entre territoires et engagement

Pourvoir des marques transformation

DDeux lectures récentes ont cristallisé une conviction profonde : le narratif peut transformer la réalité. Autrement, dit, sans notre monde en mutation, où le modèle capitaliste traditionnel montre ses limites, l’histoire peut changer l’Histoire. L’histoire, c’est le récit, le narrative, comme disent les anglo-saxons. L’Histoire est cette expérience commune que nous vivons tous et toutes, faite de dates, de tournants, de creux et de pleins. Cette perspective ouvre des horizons fascinants pour les marques dont le devoir est d’anticiper la suite.

Le pouvoir des marques

D’un côté donc, le rapport de l‘Institut Terram avec la Fondation Jean Jaurès sur l’imaginaire territorial des marques. De l’autre, l’analyse de The Story Line sur la « Beyoncé Strategy« . Ces deux études, bien que distinctes, convergent vers une même révélation : la capacité des marques à façonner les perceptions collectives et à catalyser le changement.

Deux analyses qui, sous des angles différents, révèlent un même pouvoir :

  • La capacité à s’approprier ce qui relie
  • L’art de localiser et de créer de la fierté
  • Le pouvoir de transformer les perceptions pour imposer une nouvelle réalité

Les marques – qu’elles soient commerciales ou non (ONG, associations, institutionnels) – parce qu’elles ont les moyens et le pouvoir de communiquer largement, ont un rôle éminent à jouer. Non seulement dans la transformation des esprits et la conversion des pratiques, mais aussi – soyons honnêtes – dans leur propre survie. Car le chaos n’est bon pour personne, même avec des milliards de dollars.

Le territoire comme levier de transformation

L’étude de l’Institut Terram révèle un phénomène remarquable : les marques créent ce que j’appellerais des « espaces de sens ». Au-delà des frontières administratives ou géographiques, elles façonnent des territoires symboliques chargés de valeurs, d’émotions et d’identité. Cette capacité à transformer un espace en territoire de marque n’est pas qu’une prouesse marketing – c’est un levier puissant de transformation sociétale.

Les marques se servent des territoires et font émerger un nouvel imaginaire. La cartographie des imaginaires territoriaux des marques du rapport est parlante et illustre ce qu’est une imagerie reproductrice (de valeurs et images) :

Cartographie des marques territoriales Institut Terram

Chaque marque, qu’elle puisse s’appuyer sur une réalité (naissance locale) ou qu’elle se l’approprie, parvient à faire de son association avec le local et le territoire un levier de préférence, jusqu’à dans certains cas, carrément créer un évènement culturel collectif (ex Lancelot). Plus fort encore, comme le disent les auteurs « Au-delà de leur nature évidemment commerciale, les imaginaires territoriaux sécrétés par les marques produisent des effets sociopolitiques. Leurs discours, leurs imageries, leurs univers graphiques exercent une influence sur la façon dont le grand public se représente la réalité de tel ou tel territoire. » Autrement dit il est possible, demain, d’être convaincu que telle tradition culinaire vient de telle région alors que… pas du tout. Il est aussi possible que tel territoire se pare de nouvelles valeurs telles que le mystère, le folklore, la douceur, sans être à l’origine du message, tout en en bénéficiant pour son attractivité.

Le rapport démontre que les marques sont « à l’origine de la constitution d’un troisième type de territoire, qui ne correspond ni à l’espace vécu, ni à un espace administratif, mais à un espace marqué (au sens où les marques auraient laissé leur empreinte), un espace local travaillé par une identité se matérialisant sous la forme de produits ou de services commerciaux. Telle est la façon dont les marques « attrapent » la notion de territoire : elles se saisissent d’un espace, de toute taille (étendu ou circonscrit), elles travaillent à le charger d’une identité, quelle qu’elle soit – réelle ou imaginaire, peu importe, l’important, c’est qu’il y ait une identité, forte, singulière, distinctive –, le tout se matérialisant pour le consommateur par l’achat d’un produit ou d’un service. »

L’engagement comme territoire d’innovation

Parallèlement, l’exemple de Beyoncé illustre comment une marque peut faire évoluer son positionnement tout en restant authentique et pertinente. Cette agilité stratégique, couplée à un engagement sincère, permet aux marques de devenir des acteurs légitimes du changement social. En effet si Beyoncé change tout à chaque nouvel album, elle s’empare aussi des causes qui vont avec. Comme le dit Noémie Kempf, « cette capacité à allier divertissement et militantisme a fait d’elle une icône culturelle au-delà de la scène musicale ». Elle n’est pas la seule à avoir assis une partie de sa valeur de marque sur l’adoption d’un tournant militant voire activiste. On pense à Patagonia, Loom, etc. Opportunité ou nécessité ? Là encore, je dirais peu importe, tant les enjeux sont immenses : les marques ont le pouvoir de donner l’écho dont elles ont besoin à ces causes, elles ont le devoir de le faire aussi parce que conquérir le cœur des audiences nécessite de parler à leur cœur.

La grande opportunité : convertir les modèles d’affaires et les coeurs

Pour les marques, l’enjeu n’est plus simplement de survivre à la transformation écologique et sociale – c’est d’en devenir les architectes, dans une forme d’opportunisme engagé dans lequel tout le monde trouve son compte. Les marques peuvent

  • Engager les Français vers des pratiques circulaires : location, réparation, moins de propriété, plus d’usage – créer la demande, créer l’évidence… et le business
  • Transformer la consommation citoyenne et locale en nouveau standard désirable
  • Réinvestir les territoires et leurs communautés avec intention pérenne

Pour cela, elles doivent s’engager :

  • En créant de nouveaux imaginaires autour de la consommation responsable
  • En transformant les contraintes environnementales en opportunités d’innovation
  • En suscitant le désir pour les modèles économiques circulaires
  • En ancrant leur légitimité dans une contribution réelle aux territoires

La clé ? L’authenticité. Les consommateurs ne pardonnent plus le « washing » sous toutes ses formes et l’ère du « territoire-washing » nous guette. L’exigence de transparence et de vérité n’a jamais été aussi forte. Les marques ne doivent pas seulement se servir, elles doivent rendre, contribuer, échanger et même se nourrir de ces territoires qu’elles investissent. Cette authenticité n’est pas une option : le cœur qui trahit brise la relation, définitivement.

Aller plus loin

Découvrir The Story Line et consulter l’article : The Beyoncé Strategy

By Published On: novembre 21st, 2024Categories: ActualitésCommentaires fermés sur Le pouvoir des marques dans la transformation sociétale : entre territoires et engagementTags: , , , ,

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